Le chorégraphe Roger Sinha est un artiste aux identités plurielles. Il est progressivement devenu l’un des symboles de la danse contemporaine inclusive présente au Québec et au Canada. Installé à Montréal depuis une quarantaine d’années, il est notamment connu pour ses approches interdisciplinaires, son attachement à ses origines mixtes Indo-Arménienne et son regard tant critique que ironique face à des sujets de société.
Constamment à la recherche de nouveaux moyens d’expressions à travers la danse et le mouvement, l’artiste utilise le théâtre, le slam, la poésie et les technologies interactives dans ses créations chorégraphiques. Ces dernières années, il s’est également passionné pour les performances musicales en direct, le traitement électroacoustique du son et la recherche sur les effets sonores en général.
La performance musicale occupe une place importante dans le travail du directeur artistique plus récemment. En fait, souvent durant ses processus de création, il dansait en silence: « Je suis capable d’écouter la musicalité de mon propre rythme interne et de ma respiration pour créer le mouvement. Bien sûr, il m’arrive d’écouter un morceau de musique et de m’en inspirer pour créer quelque chose, cela peut aller dans les deux sens, mais je n’ai pas nécessairement besoin de musique pour danser. »
Cette connexion avec la musique a évolué depuis seulement une décennie, quand Roger Sinha est tombé sous le charme du bourdonnement de l’ultime instrument Australien, le didgeridoo. À tel point qu’il l’a inclus dans sa dernière pièce, D’os et d’écorce, et s’est produit en tant que musicien pour la première fois. Au fil du temps, le chorégraphe a ajouté d’autres instruments à sa collection – le rav drum et le djembé : « Je travaille aussi beaucoup avec le logiciel Ableton, que j’ai étudié pendant quelques années. J’aime dire que je fais une sorte de travail de design sonore », ajoute-t-il.
Aujourd’hui, Roger Sinha admet que sa passion pour la musique est au cœur de son travail chorégraphique. L’artiste a découvert une nouvelle source d’inspiration presque inépuisable, qui complète et va de pair avec son amour intense pour la danse: « Je joue ma musique, je la met en boucle, puis je me lève et j’improvise pendant une minute ou deux, et ensuite je répète ce processus à nouveau. C’est ainsi que j’intègre la musique à mon désir de maintenir ma capacité d’interprétation. ”
Interrogé sur l’importance qu’il accorde à son héritage, il adopte un ton plus sérieux : “C’est crucial. C’est tout simplement ça”. Pendant ses années d’études à la School of Toronto Dance Theatre dans les années 80, il y avait peu ou pas de danseurs de couleur sur scène, se souvient-il. « J’aimerais que les jeunes danseurs, peu importe leurs origines, trouvent le courage d’aller puiser auprès de leurs racines en suivant la voie de la créativité. Il n’est même pas nécessaire que ce soit dans la danse, cela peut être n’importe quoi, tant qu’ils possèdent leur propre individualité et leur caractère unique et surtout, qu’ils la célèbrent ».
Son désir de continuer à performer est intrinsèquement lié avec sa volonté de laisser son empreinte. Cela fait maintenant 40 ans que Roger Sinha a fait ses débuts sur scène. C’est la recherche de sa propre identité plurielle qu’il l’a poussé à créer sa toute première pièce, Burning Skin en 1992. Pour ceux qui ne le savent pas, le jeune danseur est né à Londres et a grandi au Saskatchewan au côté de sa mère arménienne et de son père indien. Il était le seul enfant de couleur dans son école et recevait des insultes racistes au quotidien de la part de ses camarades: « Burning Skin est venu d’une tragédie, celle de se faire tabasser tous les jours pendant des semaines voir des mois. J’ai pris cette tragédie et je l’ai transformée grâce à mon art ”.
Aujourd’hui, à 63 ans, il forme ses danseurs à pratiquer le style de performances physiquement exigeantes pour lequel il est connu. Encore très présent en tant que chorégraphe, Roger Sinha se retrouve dans une dynamique de transmission. Bien qu’il soit parfois nostalgique de ses jeunes années en tant que danseur, sa maturité artistique lui a permis de trouver un nouveau moyen de s’exprimer: « La musique est pour moi un moyen de poursuivre ma pratique artistique. Ce chemin m’enrichit et m’aide à grandir. »
Récemment encore, le chorégraphe a mis l’accent sur l’importance de rendre la danse plus accessible à tous. C’est ce qui avait motivé la création de MoW!, une œuvre qui a rassemblé danseurs professionnels et autres citoyens pour un flash mob de danse bollywood et contemporaine. Nous pouvons danser sans être danseur professionnel et sans avoir une technique impeccable : « J’aimerais inviter le grand public à danser, à s’exprimer et découvrir les capacités du corps. Prenez des risques, cherchez votre propre authenticité, montrez au monde qui vous êtes ».
Toujours dans l’actualité, Roger Sinha travaille présentement sur un nouveau projet en collaboration avec Damian Siqueiros, artiste visuel canadien d’origine mexicaine. Un film de danse inspiré par les expériences personnelles des deux artistes durant la pandémie mondiale. 2M suit le parcours de 4 personnages dont la vie est perturbée par l’impact des normes de la distanciation sociale. L’œuvre évoque les difficultés de l’isolement et le chemin qu’il faut pour s’adapter et renouer avec nos besoins psychosociaux. Des interprètes exceptionnelles, des musiciens virtuoses, des costumes étonnants, un travail caméra remarquable vous attendent. En prenant de nouvelles directions, Roger Sinha & Damian Siqueiros réussissent une fois de plus à toucher nos âmes.